mercredi 24 février 2010

Poèmes dans la revue "Friches", n°101, avril 2009


Du bûcher ou de la soupe
(extraits)


Arrêté dans la bruyère
tu fais taire ta faim
par un cri

Parmi les brumes réconciliées
tu te tiens poings serrés
automate thaumaturge
déchu de ses fonctions
exilé dans le parc de la solitude

Dans l’œil d’un poisson-lune échoué
tu aurais pu pourtant cacher ta peur
et te cacher toi-même
s’ils t’avaient laissé la charge d’un instant
s’ils avaient eu conscience
de ton sacrifice


*


Dans ton grenier
tu pèses tes mots
tu quantifies la grandeur du vide

Mal assis sur un coffre
tu imagines le contour du soleil
qui t’envoie ses derniers rayons
par des fentes chétives dans le toit

Tu imagines les visages
de ces chants cris et rires
qui assoupissent tes angoisses

Tu tentes peu à peu
caché
de t’humaniser


*


Ce sont les mêmes restes sur la table
on a rajouté deux ou trois pots de yaourt
à moitié vides
pour rendre le tout plus homogène
plus fini

Chaque miette a sa place
qu’elle ne changerait pour rien au monde
caprice de croûte

Les fourmis ne viennent plus
elles sont rassasiées
on affirme en avoir vu mortes
de trop forte ingestion

Faudra-t-il encore en conclure une morale ?


*


Quelques miettes
la place d’un poème et l’orgueil d’un roi
le souvenir d’un pain qui redonnait la vie
et qui avait grandi
au son de nos efforts

Quelques miettes pas plus
le fond d’un verre de vin
et le versant courbé du soleil


*


Il y a des étoiles pour tous
de la nuit pour deux

Et la lune
comme un treizième couvert
inutilisé

La part du pauvre peut-être ?


*


La poussière
c’est la neige des pauvres
même joie de la sentir proche
de la prendre par poignée

Se rouler dedans
y dessiner l’espoir avec son doigt
s’y vautrer
comme dans l’ironie
d’une vie grise et épaisse
en mettant
du cœur à l’ouvrage


*


Il y a ce grenier pourtant
mais les souvenirs manquent
pour suppléer l’infiltration de la misère

Tout
parallèlement
courbe et bancal
décomposé par les herbes sauvages
et le vrai retrouvé de la parole

Malgré les fissures
les trous dans les plinthes
tout respirait encore l’enfermement
le sombre isolement
de l’exil

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