mercredi 24 février 2010

Emission radio du 17 février 2010 (RCF Email Limousin)

J'ai été invité par Laurent Bourdelas (que je remercie ici) à participer à son émission radio "Tendance" sur RCF Email Limousin le mercredi 17 février pour la sortie du recueil "L'appétit de la mort".
Il est possible de podcaster l'émission à cette adresse :

http://www.rcf.fr/article.php3?id_article=419858&id_locale=2

Note de lecture de François Huglo sur "L'appétit de la mort" (février 2010)

Cette note de lecture sera publiée dans la revue Pages insulaires (en avril 2010) dirigée par Jean-Michel Bongiraud (que l'auteur de cette note et l'éditeur de la revue soient ici remerciés de m'avoir laissé reproduire ce texte).
« On reste durablement bouleversé par un tel recueil, un tel poème, pourrait-on dire aussi, car la page d’une strophe ou deux peut être lue pour elle-même ou comme élément d’un ensemble. Stations multiples d’un seul chemin de croix ? Le livre est composé d’un poème unique, affrontant à plusieurs reprises le suicide sous sept formes : l’empoisonnement, la noyade, la défenestration, la pendaison, l’entaille d’une veine, le choc d’un véhicule contre un arbre, l’écrasement par un train. Chacune de ces formes correspond à un péché capital qualifié de divin dans une phrase elliptique, et cette absence de verbe laisse au lecteur le choix de l’interprétation, selon qu’il opte pour l’indicatif ou pour le conditionnel. Lisant
« Envie divine
que de refuser
qu’un autre touche les cieux
»,
celui qui comprend « c’est envie divine » développe l’hypothèse d’un Dieu jaloux, mais lire « ce serait envie divine » suppose qu’il ne l’est pas, qu’il ne peut l’être. Cette hésitation, ou cette ambigüité, entre blasphème, cri de révolte, et foi, semble levée dans les trois pages finales, extraordinairement denses, où le suicide est magnifié, ou du moins assumé, comme expression de la liberté humaine et de la malléable disponibilité de la matière, cette « chance de la glaise » qui, dans le récit biblique, nous a façonnés, et qui accueille les corps sans vie.
Refusant toute fascination morbide, le regard posé sur le corps suicidé, ou sur ses restes, remonte du juste après au juste avant, pour retrouver le geste, sympathiser avec lui, mais l’accompagner l’aurait peut-être évité, tenir la main l’aurait peut-être retenue. Reste le geste fraternel, mais posthume, du poème qui se place dans une situation extrême, celle d’opposer au désir d’en finir ce désir de commencer qu’est toute prise de parole, toute rupture du silence, toute proposition langagière, orale ou écrite, puisque le commencement est le verbe prenant chair. Ni verbeux, ni décharnés, les poèmes de Thomas Duranteau sont fermes et parfaitement définis : définitifs, cueillis à leur juste maturité, de même que ceux de Serge Wellens n’étaient accueillis sur leur page qu’après avoir été roulés, longuement roulés, polis dans l’oreille comme par une mer intérieure.
Faut-il parler de filiation ? De fraternité plutôt, chacun des deux poètes reconnaissant dans l’autre sa propre exigence. Ni chez Duranteau ni chez Wellens, le verbe ne naît du verbe. Il affronte, au contraire, ce qui risquait de l’anéantir. Serge Wellens, qui avait préfacé Lucilie bouchère, salue en quatrième de couverture ce second recueil qui va plus loin dans la même direction. Sur cette voie, le poète chemine en compagnie de huit créations originales de Lydie Arickx. Sans redondance, au même niveau d’exigence et de sympathie, poésie et art contemporain dialoguent ici pour la plus grande joie du lecteur. »

"L'appétit de la mort" (éditions Clapàs, 2009)

J’ai publié un deuxième recueil L’appétit de la mort toujours aux éditions Clapàs en octobre 2009. Celui-ci est accompagné de créations originales de Lydie Arickx, artiste contemporain reconnue.


Quelques retours d’auteurs :

« L’Appétit de la mort est une œuvre fascinante par la rigueur de l’écriture, l’économie verbale qui me fait penser au mot de Guillevic : « Ecrire un poème, c’est sculpter du silence ». Par le mystère qui prend ici ou là l’initiative du discours et qui fait froid dans le dos. Deux vers taillés dans le silex (j’ai l’embarras du choix…) comme ceux-là « Il ne restait plus personne / pour rentrer ce bois mort » en disent plus et le disent mieux qu’une lente et laborieuse méditation sur la souffrance et la solitude. Et que cet itinéraire déchirant s’achève dans la lumière, voilà de quoi s’émerveiller. » (Serge Wellens, la citation sert de préface)

  • « Le thème est certes tragique, morbide, mais il nous parle avec une certaine force de notre mort, avec une émotion maîtrisée et des pointes d’humour noir. » (Jean Joubert)
  • « Je vous redis tout l'intérêt que j'ai eu à lire vos poèmes écrits sur un sujet si difficile, douloureux surtout, celui du suicide, ce tragique « appétit de la mort ». J'ai trouvé très pertinente la scansion de ces poèmes par le rappel des '7 péchés capitaux' - inversés, pour finalement être évidés, renversés à nouveau, sublimés dans "l'amour divin". » (Sylvie Germain)
  • « J’apprécie la concision et la juste place du mot choisi. Curieusement, ton écriture m’a rappelé un ami peintre qui avançait dans son tableau à coup de petites touches calculées et précises. (…) J’aime ce fil sans rupture. Et les illustrations sont tout-à-fait adéquates. A vrai dire, elles « n’illustrent pas », elles épousent le texte, libres. » (Albert Rouet)
  • « Face à ce qui est décousu de sens, non pas comprendre mais nommer. Ce que vous nommez et la manière dont vous le nommez est une imparable attestation de poète et d’homme. » (Marie-Noëlle Agniau)
  • « C'est un très beau recueil à l'écriture forte et précise, et au sujet difficile... une sorte de diamant. Bref, le genre de choses qu'on aurait aimé écrire soi-même. » (Thierry Piet)
  • « Je dois vous dire que, si dur que soit le sujet traité, vous avez vraiment une très belle écriture et que vous êtes sur une bonne et belle voie. » (François Cassingena)


Quelques retours d’éditeurs :

  • « Je vous remercie de m’avoir adressé cet ensemble, dont j’ai aimé la teneur et la retenue formelle » (Yves Di Manno, directeur de la collection poésie chez Flammarion)
  • « Toutes mes excuses pour une réponse si tardive à votre envoi de manuscrit qui me plaît bien » (Louis Dubost, ex-directeur des édition l’idéee bleue)
  • « Il y a une puissance dans cette écriture et nous y sommes sensibles. » (Philippe Tancelin, directeur littéraire chez L’Harmattan)
  • « Votre terriblement beau recueil l'appétit de la mort ne me poussera pas au suicide. » (Christophe Liron, directeur des éditions Clapàs)

Poèmes dans la revue "Friches", n°101, avril 2009


Du bûcher ou de la soupe
(extraits)


Arrêté dans la bruyère
tu fais taire ta faim
par un cri

Parmi les brumes réconciliées
tu te tiens poings serrés
automate thaumaturge
déchu de ses fonctions
exilé dans le parc de la solitude

Dans l’œil d’un poisson-lune échoué
tu aurais pu pourtant cacher ta peur
et te cacher toi-même
s’ils t’avaient laissé la charge d’un instant
s’ils avaient eu conscience
de ton sacrifice


*


Dans ton grenier
tu pèses tes mots
tu quantifies la grandeur du vide

Mal assis sur un coffre
tu imagines le contour du soleil
qui t’envoie ses derniers rayons
par des fentes chétives dans le toit

Tu imagines les visages
de ces chants cris et rires
qui assoupissent tes angoisses

Tu tentes peu à peu
caché
de t’humaniser


*


Ce sont les mêmes restes sur la table
on a rajouté deux ou trois pots de yaourt
à moitié vides
pour rendre le tout plus homogène
plus fini

Chaque miette a sa place
qu’elle ne changerait pour rien au monde
caprice de croûte

Les fourmis ne viennent plus
elles sont rassasiées
on affirme en avoir vu mortes
de trop forte ingestion

Faudra-t-il encore en conclure une morale ?


*


Quelques miettes
la place d’un poème et l’orgueil d’un roi
le souvenir d’un pain qui redonnait la vie
et qui avait grandi
au son de nos efforts

Quelques miettes pas plus
le fond d’un verre de vin
et le versant courbé du soleil


*


Il y a des étoiles pour tous
de la nuit pour deux

Et la lune
comme un treizième couvert
inutilisé

La part du pauvre peut-être ?


*


La poussière
c’est la neige des pauvres
même joie de la sentir proche
de la prendre par poignée

Se rouler dedans
y dessiner l’espoir avec son doigt
s’y vautrer
comme dans l’ironie
d’une vie grise et épaisse
en mettant
du cœur à l’ouvrage


*


Il y a ce grenier pourtant
mais les souvenirs manquent
pour suppléer l’infiltration de la misère

Tout
parallèlement
courbe et bancal
décomposé par les herbes sauvages
et le vrai retrouvé de la parole

Malgré les fissures
les trous dans les plinthes
tout respirait encore l’enfermement
le sombre isolement
de l’exil

mardi 23 février 2010

Note de lecture de Jean Dubacq sur "Lucilie bouchère" (2001)

Des poèmes tirés de Lucilie bouchère ont été réédités dans la revue Les Hommes sans épaules où Jean Dubacq a fait une notice à ce premier recueil (n°10, premier trimestre 2001) :

« Pour sa Lucilie bouchère, Thomas Duranteau prend soin d'expliquer lui-même que cette Lucilie qui fait penser à une gentille fille de boucher dont on guette goulûment la croissance est une mouche dont les larves se nourrissent des plaies des mammifères sur lesquelles elle a pondu. Révéler ce secret après le dernier poème n'aurait pas été plus mal. Ambiguïté, corrélation, la parabole aurait été mieux confite dans ce secret d'un double sens qui fait que chacun des hôtes est l'hôte de son hôte. Il s'agit ici d'un insecte disputant sa nourriture aux bactéries. Abuser le sens pour accroître le sens est métier d'écrivain et Serge Wellens dans l'avant-propos (...) insiste justement sur les qualités de Thomas Duranteau qui fait preuve d'originalité et de métier, métier à hauts risques, celui d'écrire sous la surveillance de trois geôliers, l'entomologie, la poésie, son poète, la première étant la plus abusée. Au fait, qui sont-ils vraiment ces hôtes, et qui est vraiment le parasite ? Il était là / à faire des bulles de vos discours / bégayant à vos sons de cloche / toute pluie ouverte / sur les toits en ardoise. Il est toujours là "qui vous suit et vous hante". L'artiste n'attend-il pas à sa façon les papillons à naître des larves qu'il nourrit de ses moindres griffures d'âme ? »

"Lucilie bouchère" (éditions Clapàs, 2000)


J’ai publié un recueil de poésie Lucilie bouchère aux Editions Clapàs en 2000 (réédité en 2009 avec une nouvelle couverture) qui m’a permis d’avoir des regards positifs sur mon écriture. Voici un extrait de la préface de Serge Wellens :

« Longtemps après en avoir achevé la lecture, cette suite de poèmes qui s'enchaînent rigoureusement pour n'en faire qu'un, continue de nourrir en moi le sentiment d'avoir transgressé les règles d'un hui-clos. Sans doute parce que chacun peut y reconnaître la place humiliante qui lui revient dans la relation du bourreau et de la victime. Ici, le persécuteur est d'autant plus redoutable qu'il est minuscule, insidieux, inattendu. Une simple mouche d'un vert métallique (dit le dictionnaire) qui, pour un peu, passerait inaperçue. Or l'insecte installe ses larves dans les plaies de sa proie et la leur donne à dévorer.
En vérité, il n'y a rien là d'insolite. C'est ainsi que cela se passe dans la nature où chaque espèce, usant impitoyablement des moyens de son bord,se nourrit d'une autre. Mais que ce fait divers des plus courants alerte un poète au talent singulier, terriblement doué pour l'exploration de l'imaginaire et la levée d'écrou de vérités secrètes, et voilà que nous assistons à l'assujettissement de quelqu'un qui nous ressemble comme un frère. D'ailleurs, chaque poème s'adresse précisément à nous : "A fleur de songe / se tient votre hôte" il n'est pas indifférent de noter que cette incursion du côté de la fatalité commence par un constat indiscutable et s'achève, treize poèmes plus loin, sur une question dont la réponse est loin d'être évidente : "Mais qui est-il cet hôte / qui vous suit et vous hante ?"
Entre la certitude et le questionnement règne une constante et multiforme ambiguïté. Déjà la double et contradictoire signification du mot "hôte" nous inquiète : qui habite ? Qui est habité ?... voilà comment indissociablement liée à l'homme, à son corps, à son univers, la monstruosité animale, bouchère de son état, brouille les pistes et se rend maîtresse d'un monde où "tout est simulacre". (...) » (Serge Wellens)


Je joins ici quelques extraits de lettres de poètes et critiques sur ce premier recueil :




  • « Ce recueil me laisse admiratif. L’économie des moyens, avec un sens très sûr, très précis du vers, de la strophe, du poème, et leur efficacité, leur relief, me donnent une impression de maturité (la formulation qui se détache comme un fruit mûr de la méditation). » (François Huglo)


  • « Vous avez le don de l’image insolite et celui, non moins inattendu, du « sujet » insolent. L’ambiguité entre le tragique et l’humour. » (André Marrisel)


  • « La lucidité de votre regard, sa cruelle ironie, c’est vous et personne d’autre. De « Lucilie bouchère », on ressort inquiet, impressionné… possédé ! Il n’y a rien à ajouter, rien à retrancher. Merci pour l’ « inconfort » que vous m’avez procuré. » (Christophe Jubien)


  • [Vos poèmes] « sont d’une belle écriture, choisie et maintenue à ce niveau si particulier qui résulte du choix (et du risque) du poète. » (Jean Dubacq)


  • « Et quelle écriture prenante, originale. On joue avec les dieux, avec les mouches qui nous habitent. Ce petit livre a beaucoup de force. » (Hélène Cadou)