mardi 28 décembre 2010

Lettre à David Dumortier sur "Les bateaux qui parlent"


Voici une lettre adressée à David Dumortier dans le cadre du concours "Lecteurs, Passeurs d'envies" 2010 organisé par le Centre du livre et de la lecture du Poitou Charentes. Il fallait donner envie de lire son livre "Les bateaux qui parlent" (Cheyne, 2010). Ce texte fait partie des lauréats.


"Hassi Messaoud,

le 25 octobre 2010,


Salam aleikoum, cher David,


On ne dit « cher » qu’aux gens qu’on aime et quelqu’un qui parle avec les bateaux ne peut pas être mauvais. C’est pourquoi je me permets de vous écrire de Hassi Messaoud. Vous ne connaissez peut-être pas cette ville du centre de l’Algérie où j’ai toujours vécu et d’où je ne suis jamais parti. Je ne connais rien à la mer si ce n’est des étendues bleues sur le globe de la classe où mon père est venu me chercher à douze ans pour me faire travailler comme mes frères. De grandes langues bleues prêtes à manger des continents sur la défensive et prêtes aussi à raconter le monde si tant est qu’on les écoute. Si les bateaux parlent, moi, le soir, j’imagine leur langue en entendant cet écho que le sable cherche à nier. C’est certainement une « langue secrète » comme celle de vos « penettes de Bretagne ».


Parmi les noms de bateaux, j’ai particulièrement retenu celui du pétrolier, peut-être simplement parce que vous dites que personne ne l’aime. Dans mon désert, on ne parle que de pétrole et de gaz. Si vous comparez au sang le pétrole, je me trouve dans le cœur et des artères métalliques géantes envoient ces globules noirs au loin vers des villes comme les vôtres. L’usine de forage, qui se trouve près de mon quartier et où je travaille, est certainement comparable à ces « cargos » – comme vous dites – que la mer aurait confiés au sable. À moins que ce ne soit plutôt un bateau phare avec la grande tour de forage ou la torchère qui se dresse tel un prophète au milieu du désert. Mais, nul n’est prophète en son pays. Peut-être est-ce pour cela que l’usine-bateau préfère envoyer son pétrole ailleurs.


Tous ces bateaux dont vous parlez, bien sûr je ne les ai jamais vus. Je ne sais pas à quoi ils ressemblent, ni leurs formes, ni leurs couleurs. Je suis comme cette petite fille – dans votre livre – qui n’a jamais vu de péniche passez devant chez elle. Je ne connais même pas les noms de la plupart de ces bateaux mais je me laisse porter par toutes ces sonorités exotiques : gabare, kayak, yole, sampan. Je m’imagine alors des dynasties royales qui ont conservé un pouvoir sur les éléments. Je m’imagine des noms de princes qui portent comme seul insigne la mer en chèche autour de leur cou. Peut-être même des dieux anciens que l’on aurait oubliés et qui reviendraient d’un autre temps reprendre une place parmi nous. Les mots ont un pouvoir et vous le savez, vous qui parlez d’un « trait sur une page blanche », de « chanson de l’eau » , de dictionnaire ou de bateaux qui se lisent à l’envers.


Les poètes ont ça d’étonnant, ils émiettent les phrases et les mots tout en donnant plus de poids, plus de densité à ce qu’ils conservent. Parcours de funambule que celui de l’écrivain ajustant par petites touches le mot et la marge, sachant que le silence relie les mots comme l’eau entre les berges d’un estuaire. Fil tendu qui ajuste l’homme avec soi-même, ouvrant le regard par le travail invisible du vent et de l’écriture. On a l’impression que les mots ont été « roulé[s] dans ses vagues » comme votre chalutier bleu. Le désert agit de même pour les hommes et les choses. Il les roule sans vraiment que l’on sache s’il les berce ou s’il les transporte. Sans que l’on sache non plus vers où.


« C’est surtout l’idée de partir qui doit faire son chemin ». Je me rend compte, en vous lisant, à quel point j’ai toujours porté ce vers au fond de moi. Vous m’avez donné le goût du sel sur les lèvres mais surtout vous avez révélé mon envie de partir. Quels qu’en soient les risques, je quitterai ce pays même s’il faut que cela se fasse dans la clandestinité. Je ne sais pas quel bateau sera là à m’attendre dans le port d’Al Djazair. Je ne sais pas s’il faut mieux un pointu de Méditerranée – qui connaît les lieux – ou un sauterellier pour échapper aux mains de la police maritime ou bien même un radeau dans la miséricorde d’Allah. Je me plais également à m’imaginer quittant le pays en youyou comme si les cris de joie des femmes de mon pays m’accompagnaient et m’encourageaient dans cette aventure. Puisse mon nom « serviteur de l’Indulgent » dans tous les cas bien être porté.


Je ne fuis pas l’Algérie ni l’aridité de son désert. Je l’emporte avec moi. Où que j’aille sur cette terre, ma parole portera des grains de sable qui se surprendront même à germer. Un jour proche viendra où dunes et chameaux de papier plié rejoindront vos bateaux en origami. Ils se parleront du monde avec le silence de ceux qui s’aiment vraiment. Dans la joie de ces retrouvailles, qui osera alors me dire sans papiers ?


Abdelhalim"

(alias Thomas Duranteau)

samedi 18 décembre 2010

Peintures sur kraft II


"Tenu par le pied", fusain et acrylique, 99 X 99 cm

"La sainte famille", fusain et acrylique, 130 X 90 cm

"Femme ardente", fusain et acrylique, 90 X 95 cm

"Femme d'eau", fusain et acrylique, 98 X 85 cm

samedi 13 novembre 2010

Dessin sur Bois flotté

"Les jumeaux", feutre sur bois flotté, collé sur bois, 46 X 42 cm, 2010

Peintures sur kraft I

"la femme au crâne", fusain et acrylique sur kraft, marouflé sur bois, 79 X 69 cm, 2010

"femme ailée", crayon aquarellable et acrylique sur kraft, marouflé sur bois, 106 X 89 cm, 2010

Dessins divers en noir & blanc

"le poisson", crayon aquarellable sur papier, maroufflé sur bois, 64 X 49 cm, 2010

"Portant un rigolo", crayon aquarellable sur papier, maroufflé sur bois, 41 X 29 cm, 2010

"Le cheval à bascule", crayon aquarellable sur papier, maroufflé sur bois, 41 X 29 cm, 2010


Dessins au fusain


"Deux corps en un", fusain sur papier, maroufflé sur bois, 64 X 49 cm, 2010

"Deux corps", fusain sur papier, maroufflé sur bois, 64 X 49 cm, 2010

mardi 19 octobre 2010

Hommage à Serge Wellens (15 octobre 2010 - Salle de l'Oratoire à La Rochelle)


Quand Annie (Wellens) m’a proposé de participer à cette soirée-hommage, je me suis dit que ça serait l’occasion d’affirmer à quel point Serge a été important dans ma vie et dans ma vocation de poète. Et je sais aujourd’hui que le fait de continuer à écrire et le contenu de mes écrits doivent beaucoup à son amitié.

J’ai rencontré Serge pour la première fois, alors que j’avais 17 ans et qu’il en avait 69. J’avais appris qu’il écrivait de la poésie sans l’avoir encore lue. Sa figure accueillante me permit facilement de faire le premier pas pour lui montrer mes premiers poèmes très classiques, collectionnant les fautes d’orthographe autant que les rimes, textes écrits à la main sur un cahier petit format. Je me rappellerai longtemps cette première rencontre au Puits de Jacob où Serge a pris soin de lire chacun de mes textes devant moi avec beaucoup de sérieux et de bienveillance. Gommant vite ma première appréhension, Serge a tout de suite été dans l’encouragement, valorisant ce qui pouvait l’être dans ces premiers écrits d’adolescent. Il a sollicité l’écriture, me demandant de lui montrer rapidement d’autres textes, m’invitant à essayer d’écrire en vers libres. Ce que je fis dès la porte du Puits de Jacob refermée, découvrant alors la richesse offerte par cette liberté. Ce n’est pas sans bonheur que je revenais, quelques jours après, avec mes premiers poèmes en vers libres, lui expliquant à quel point cela avait favorisé une écriture qui coulait plus facilement. Il savait transmettre cette invitation au mystère de l’écriture. Sans doute, cela n’est pas étranger à ce qu’il évoque dans le poème « Celui qui parle en dormant » :
« Au raclement de gorge de la nuit
il ajoute des mots
nuageux
informels

des mots qui ne sont
dans aucun dictionnaire

il parle couramment
une langue étrangère
mais ne la comprend pas »


Régulièrement, les lundis après-midi, jour où Serge était présent à la librairie, je me retrouvais donc assis près du bureau servant de caisse, écoutant de façon attentive ses remarques. Serge mettait en avant les images qu’il trouvait intéressantes m’expliquant ce qui lui plaisait dans mes poèmes : parfois un seul vers ou le rapprochement de deux mots. Au contraire, il pouvait souligner quelques tournures qui lui parlaient moins, des enchainements de syllabes difficiles à prononcer. Il faisait à l’occasion référence à d’autres poètes, me parlant par exemple de Guillevic et de sa méfiance envers les adjectifs. Il parlait d’exigence, de relecture et de travail. Cela se faisait toujours avec un grand respect des textes et avec beaucoup de délicatesse. Sa manière d’approcher mes écrits restent pour moi un modèle. Je repense régulièrement au regard bienveillant et constructif de Serge sur mes écrits et je tente modestement de ne pas trop démériter de cet enseignement.

Les temps de rencontres avec Serge étaient également l’occasion de parler de poésie contemporaine, moi qui ne connaissais pas grand-chose à la poésie et qui terminais un bac scientifique. Il me parla des poètes plus classiques, de l’importance du surréalisme, des poètes de l’école de Rochefort, de ses amis, des poètes qu’il aimait lire, de ceux qu’il aimait moins, de revues, de publications... Ainsi, j’ai tracé mon parcours à travers des entretiens très riches où j’approchais, par les souvenirs de rencontres ou de lectures, des poètes comme Cadou, Breton, Guillevic, Rousselot, Michaux, Reverdy, Manoll, Baudry, Fombeure, Mazo, Bouhier, Mathé, Max Jacob, volontairement dans le désordre et de façon bien sûr non exhaustive. Tout cela empreint d’anecdotes, depuis la main refusée à Aragon jusqu’à Guillevic et ses rapports aux femmes. Tout cela empreint aussi de moments plus intenses comme Rousselot lisant encore des poèmes pendant les derniers mois de sa vie, malgré la maladie ou la mort d’autres amis poètes parmi lesquels Brindeau, Chinonis, Dubacq.

L’accompagnement ne s’arrêtait pas aux discussions. Serge organisait également des déplacements vers Rochefort-sur-Loire et ses environs, où avaient lieu régulièrement des rencontres de poésie. C’était là aussi l’occasion de partage avec les autres poètes rochelais avec qui nous covoiturions, mais également avec les poètes venant à ces rencontres. Tout cela m’a permis d’associer profondément la convivialité et l’écriture poétique. La simplicité avec laquelle tous ces poètes publiés partageaient leur temps était une vraie richesse. Ce fut pour moi de vraies leçons de vie et la conviction rapide que la diffusion restreinte de la poésie pouvait aussi être vécue comme une chance permettant souvent un contact simple et chaleureux. Pas de bestsellers et donc pas de stars en poésie mais des amitiés solides.

C’est avec une grande fidélité que Serge se tenait au courant de mon évolution en poésie me demandant « Qu’est-ce que tu écris en ce moment ? » et m’incitant régulièrement à lui envoyer mes derniers poèmes. Ses réponses ont toujours été pour moi des encouragements et des signes de confiance dans les moments de doute et de difficultés à faire éditer de la poésie. Face à ma bibliothèque, je me nourris des histoires qu’il m’a racontées et des moments vécus ensemble. Entre les revues ou livres offerts et les souvenirs associés aux noms de poètes, je voyage rarement seul dans cette forêt de livres. La voix qui m’accompagne alors aime plaisanter, aime rire. Et cela, même quand elle parle de la mort avec un peu trop d’insistance pour ne pas cacher quelques peurs bien humaines. Peut-être y reconnaîtrons-nous ces tourterelles dont parle Serge et qui, je cite :
« viennent quelquefois
leur donner des nouvelles
bonnes ou mauvaises
de leurs morts. »

De son amitié, deux impressions me restent enfin, qui ne sont paradoxales qu’en apparence. Serge m’a véritablement appris ce qu’était « vivre en poésie », prouvant, par sa vie quotidienne et les rencontres, combien l’activité d’écrire pouvait nourrir l’humain dans ce qu’il y a de plus profond et de plus spirituel. Et en même temps, il n’a jamais manqué de me montrer à quel point l’humour, la dérision, la légèreté et le recul sur ses propres écrits étaient aussi partie prenante de la poésie. Sa convivialité, sa modestie et son savoir-rire étaient à la hauteur de son grand talent de poète. Serge semble conclure, toujours dans son dernier recueil :
« J’écrirai sur le sable
un poème sans fin
pour célébrer la vie. »

Nous sommes nombreux à aimer nous faire petits pour rentrer dans la fourmilière où il est un poète important. Cela uniquement pour tendre l’oreille à la rouille heureuse des mots que Serge nous a laissés, et à ressentir aujourd’hui à quel point ses poèmes célèbrent la mémoire de son sourire autant que la vie.

mardi 5 octobre 2010

Poèmes dans la revue "Inédit nouveau" (n° 245, octobre 2010)

Des poèmes extraits de la troisième partie du recueil inédit Gastrolithes "Puits né de la dernière pierre" viennent d'être publiés dans la revue belge Inédit nouveau dirigée par Paul Van Melle (11 avenue du Chant d'Oiseaux, 1310 La Hulpe, Belgique). Voici quelques extraits :


Le puits ne connaît pas
le sens du vent
ni le temps que met le soir
pour nourrir par bouchées
les pierres gisantes
sur son lit


*


Pierre lourde
emmaillotée de nos doutes
jetée là
pour mesurer les profondeurs
pour faire vomir le passé


*


Puits
bouche à nourrir
oreille où chuchoter
œil où refléter
nos entrailles ouvertes


*


On dirait que le puits
s’est creusé de lui-même
par la pluie la marée
les mains serrées
autour du cou de la terre


*


Couvrir des mains
un brin d’herbe
le réchauffer d’une haleine
comme s’il avait parlé
comme si son silence
avait plus de poids
encore

dimanche 26 septembre 2010

Poèmes dans la revue "Friches", n° 105, septembre 2010



Le recueil Processionnaires ayant été nominé pour le prix Troubadours 2010, des extraits (17 poèmes) ont été sélectionnés pour paraître dans le n° 105 de la revue Friches. Voici quelques extraits du quatrième chapitre "Nombres" :

Processionnaires
IV. Nombres
(extraits)


Chenille
cherchant son identité
dans la multitude
dans la paresse des ressemblances


*


Chenilles riant
à la barbe urtiquante
d’un pin


*


De la paume du pin
filent des cocons de soie

Les chenilles tissent
un linceul



*




Doigts rampant
le long de la cuisse du pin

Les multiples anneaux
pourraient faire croire
à une alliance


*



Dans une tranchée de boue
des chenilles se croient
poilus avant l’assaut
parmi des feuilles éclatées


*



Soldats devenus hommes-troncs
les chenilles cachent
leurs gueules cassées
sous taches et médailles

Note de lecture de Gilles Lades sur "L'apétit de la mort"

« Cet ouvrage sur la mort que l’on se donne n’est pas un traité sur le suicide, ni un sinistre inventaire des différentes manières de se suicider. Mais c’est tout de même un inventaire de cas où la pulsion de mort a trouvé, aurait trouvé à se satisfaire. D’où un classement (se noyer, se pendre, se tirer une balle,…) Le tragique est que cela « a eu lieu », et que l’on suit le cheminement fatal de l’idée, ou de l’acte, qui ne font plus qu’un.
Le dernier vers a souvent un terrible retentissement explicatif (à propos du poison : « Par ta bouche/ tu as voulu finir/ ce qui n’avait pu commencer » : quel amour, quelle parole placer dans « ce qui n’avait pu commencer » ?). La force de ces poèmes est de suggérer le terrible qui explique cet acte terrible. Et c’est alors que surgit la blessure la plus vive :
« Tu avais gardé le visage rose/ d’une enfance encombrante ».
Souvent, le psychologique et le métaphysique se rejoignent. Par exemple :
« Colère divine/ que d’engloutir le regard /de ceux qui ne regardent plus ».
Le suicide broie les perspectives avec une ironie tragique. De tel idéaliste suicidé par défenestration, il est dit :
« Pour toi / la hauteur seule/ donnait signe et perspective ».
Cette ironie tragique se joue des apparences, comme dans ce sinistre échange de formes (pour une personne morte dans un accident) :
« le bois offre à l’acier/ le privilège/ de la dernière demeure ».
Dans ces textes brefs, le lecteur doit remonter tout l’espace du sous-entendu. Avec le poète, nous entrons dans le processus des derniers instants.
Souvent, l’ambiguïté est une cruauté de plus : comment interpréter « nourricier » dans « le retour nourricier de la voiture contre l’arbre et la terre ? »
L’exiguïté de la forme suggère l’enfermement et le tragique de l’enfermement :
« Tu te savais/ tête et bras/ codétenus ».
L’on ne sait ce qui est le plus insoutenable, de l’horreur en pleine lumière, ou de l’indifférence :
« Je préfère imaginer/ la couleur des wagons/ le sourire morne/ des passagers ».
Devant cette puissance aussi redoutable qu’impossible à localiser, le poète lance son infatigable lucidité, comme un explorateur que sauve chaque nouveau pas. »

Note de lecture de Philippe Biget sur "L'appétit de la mort"

Cette note de lecture doit paraître dans le prochain numéro de la revue Poésie première :

« L’appétit de la mort est un banal constat biologique sans grand mystère. Toute autre est la fascination que l’issue fatale exerce sur beaucoup d’entre nous, ne serait-ce que de façon inconsciente ; elle hante l’esprit humain depuis l’origine des temps, toutes les mythologies en attestent. C’est ce domaine trouble que Thomas Duranteau explore au long d’une sorte d’inventaire des moyens de mettre fin à ses jours : s’empoisonner, se noyer, etc. En sept courtes compositions de sept poèmes chacune, le poète impute à Dieu les sept péchés capitaux. Ensuite, la magie du chiffre sept se brise. On n’avait pourtant que l’embarras du choix pour attribuer à Dieu d’autres péchés. Mais la huitième et ultime composition bascule dans un épilogue moraliste qui réconfortera les bonnes âmes sans ajouter à l’intérêt littéraire du livre.
Car cet intérêt est grand. Thomas Duranteau a le talent de condenser son expression poétique en images et tournures inventives :

Combien de temps dura ta chute ?
nul ne sait
le fracas a devancé l’impact
écho mal réglé
ou encore :
Une petite balle
à l’assaut d’un empire
uni dans sa finitude

Les illustrations expressionnistes et dynamiques de Lydie Arickx ajoutent à la dimension tragique de l’ouvrage. »

Note de lecture d'Alain Lacouchie sur "L'appétit de la mort"

Cette note de lecture a été publiée dans la revue Friches, n°105, septembre 2010 :

« Huit chapitres avec des titre surprenants : « s’empoisonner », « se noyer », « se pendre », « se tirer une balle », etc. Suicide, mode d’emploi ? Oui. Et, tout de suite, cette question de savoir pourquoi le poète s’engloutit dans la rédaction de ses suicides… En écho, dans ses courts textes à l’écriture sèche, il nous place face à ces diverses situations avec cette distance froide qi convient si bien à son discours :
« En me penchant sur l’eau
j’ai l’impression de te voir
dans mon reflet difforme
dans les grimaces de l’abîme »
Cette absence de concession nous inuse un malaise qui se transforme bientôt en interrogation(s) : solitude, mort, etc. Un recueil à lire plusieurs fois ?

En « bonus » : des illustrations en monochromes dans lesquelles des personnages incertains apparaissent à travers une ébauche, un trait qui dissipe dans des taches incertaines : malaise encore. Du travail fort. »

jeudi 23 septembre 2010

Poèmes dans la revue "Comme en poésie", n° 43, septembre 2010


"Comme en poésie", Jean-Pierre Lesieur, 2149 avenue du Tour du Lac, 40150 Hossegor


Quelques poèmes, parmi ceux publiés dans cette revue, tirés de la partie :
"Ruine de la deuxième pierre"

(extraits du recueil inédit : Gastrolithes)






Chercher à tout prix
à voir l’intérieur
entre les jambes de l’abandon
avant démolition
ou plus
avant l’oubli

Qui d’autres
portera cette charge ?


*


À l’oreille rouillée des portes
chuchoter
le récit d’une apothéose


*


Il arrive que la ruine
vous mette à la porte
de vous-même
étranger de vos paroles
conservant pour elle
des mots choisis
dans la poussière

*

Poutres sans plancher
se convertir au silence
et aux sauts
des poussières acrobates


*


La ruine aime jachère
montrant les ronces
qui brillent
autour de son cou


*


Le vent pilleur de tombes
a retourné les murs
sac vidé au sol
laissant des mots de brique
à demi envolés
et de la lumière
excisée par le semblant
d’une promesse


*


Quand rien ne parle
quand rien ne bouge
quand le silence même
thésaurise mes pas

mercredi 25 août 2010

BD "L'homme qui avait un trou à la place du ventre"

Voici les 3 premières planches d'une histoire courte (couverture et 8 planches) pour un ouvrage collectif qui sort chez Bayard "Vers une Eglise de la confiance" (janvier 2011) et que j'ai scénarisé et dessiné.




Bon de commande des ouvrages de Thomas Duranteau






mardi 24 août 2010

Poèmes dans la revue "Coup de soleil", n° 79, juin 2010


Cette revue, dirigée par Michel Dunand et Marie-Françoise Payet-Salesiani, est sous-titrée "Poésie et art". Le numéro 79 a pour couverture une très belle création de Christophe Miralles. On retrouve également dans ce numéro les poètes : Max Alhau, Michel Passelergue, Gérard Bocholier, Jacques Canut, Jean-Paul Gavard-Perret et Philippe Mathy.
(Adresse de la revue : 12 avenue de Trésum - 74000 Annecy)
Les poèmes que j'y ai publiés ont été inspirés par les sculptures de Marc Petit.
Voici quelques extraits parmi les 20 poèmes publiés dans cette revue :


L’ARCHE DE SES OS
(extraits)



Joues creusées
ravinées plus que la terre

Reconnaître un ancêtre
dans la chair gonflée
d’une paupière offerte
aux sabots de la pénombre


*


Donner sa face
en coup de poings
dans la tourbe


*


Bourrelet de chair
boulier d’un visage
qui sans compter trace
dans l’imprécision
les ressacs
d’un homme qui grandit


*


De sa joue
un autre pousse
arrosé de ses doutes

Finir par penser qu’un cri
s’est mis en chair
pour ne pas faire de bruit


*


Il attend qu’un autre
vienne éteindre sa chair
vieux cierge déchargé
de sa prière

*


Ce corps de charbon
a commencé à prendre
la brûlure du ciel

Dans ses veines creusées
par les insectes et le chagrin
il peine à faire signe
de ses bras déjà enfuis
vers le silence

Sourire
des jours où l’homme est digne

mercredi 23 juin 2010

Poèmes dans la revue "7 à dire", n°41, mai-juin 2010

Le boucher visionnaire
(extraits)


Chambre froide
lit nuptial de la mort
où des chairs offertes
exposent leurs crochets

*

Dans la faïence verte
s’est imprimée
toute la compassion
d’une carcasse
aux yeux vidés

*

Gorge tranchée par une étoile
d’où a jailli
le sang lacté d’une promesse

*

Sur le reflet
d’un couteau
le boucher devine sa faim
et la langue du bœuf
qui parle en lui

*

Carcasse ouverte
trouée par le silence
de ceux qui caressent la mort

Exposition de dessins à l'arboretum de Chabanais (16)

Voici quelques photographies de l'exposition de dessins récents (réalisés au crayon de couleur aquarellable) samedi 15 avril 2010 lors de la fête de l'arboretum de Chabanais (en Charente) :



mardi 27 avril 2010

Note de lecture de Thierry Piet sur "L'appétit de la mort" (avril 2010)

« Quel beau recueil de poèmes que cet « Appétit de la mort » de Thomas Duranteau ! Je l’ai lu et relu souvent. C’est un recueil que j’ai dévoré. Ils sont rares les livres qui m’accompagnent sur la table du salon ou sur la table de chevet pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
L’objet déjà est très réussi avec les créations de Lydie Arickx. Le contenu aussi.
Ce recueil pourrait faire frémir si on ne s’arrêtait qu’au seul sujet de la mort et surtout si on cherchait à le comparer à cet autre livre qui a fait couler beaucoup d’encre en son temps : « Suicide, mode d’emploi ».
Mais ici il s’agit d’un recueil de poèmes : je veux dire qu’on ne peut apprécier le sujet indépendamment de la forme que son auteur lui a donnée et de la force qui s’en dégage.
Ecrire sur la mort est toujours dangereux, car seuls ceux qui l’ont vécue pourraient en parler, et nous savons bien que cela ne s’est jamais vu et ne se verra jamais. Par contre, le poète peut toucher quelque chose de juste et de beau dans cette dernière seconde inéluctable qui fascine et interroge tout vivant.
C’est là le tour de force du poète, car Thomas Duranteau a su trouver une architecture et une justesse de ton qui donnent au recueil son caractère unique et vivant. Il n’y a rien de morbide dans cet ensemble de poèmes, mais il y a une force et une beauté qui se dégagent et qui se transforment en lumière.
En effet, la fascination réside pour moi dans cette écriture sobre et précise, presque tranchante et violente, qui suggère plus qu’elle ne dit, qui laisse passer un peu d’inconnu et de mystère entre les mots.
Dans chaque ‘chapitre’ suinte un peu de lumière biblique – j’ai reconnu au détour de certaines phrases ou images des allusions à l’Arche de Noë, au Sacrifice d’Abraham, à La Tour de Babel, à Sodome et Gomorrhe – mais alors que pourrait se fermer la pierre tombale sur chacun de ces chapitres , un éclair ou un éclat se pose comme un point d’interrogation ou une lueur d’espérance à qui veut bien la déceler (desceller). »

mardi 23 mars 2010

Liste des librairies où trouver les livres de Thomas Duranteau

Bordeaux
- Librairie olympique, 23 rue Rode-Chartrons, 33000 Bordeaux

La Rochelle
- Librairie Calligrammes, 24 rue Chaudrier, 17000 La Rochelle
- Librairie Le Puits de Jacob, 14 rue Dupaty, 17000 La Rochelle
- Librairie les Saisons, 2 rue Saint Nicolas, 17000 La Rochelle

Limoges
- Librairie Page et plume, 4 place de la Motte, 87000 Limoges

Paris
- Librairie Le Divan, 203 rue de la Convention, 75015 Paris
- Librairie Libralire, 116 rue Saint Maur, 75011 Paris
- Galerie Polad-Hardouin, 86 rue Quincampoix, 75003 Paris

Poitiers
- Librairie Gibert Joseph, 9 rue Gambetta, 86000 Poitiers
- Librairie La Procure, 64 rue de la Cathédrale, 86000 Poitiers

Pour commander un ouvrage, il vous suffit de m'envoyer un message à l'adresse poemes.duranteau@gmail.com et je vous communiquerai alors un bon de commande en retour de mail.

mercredi 24 février 2010

Emission radio du 17 février 2010 (RCF Email Limousin)

J'ai été invité par Laurent Bourdelas (que je remercie ici) à participer à son émission radio "Tendance" sur RCF Email Limousin le mercredi 17 février pour la sortie du recueil "L'appétit de la mort".
Il est possible de podcaster l'émission à cette adresse :

http://www.rcf.fr/article.php3?id_article=419858&id_locale=2

Note de lecture de François Huglo sur "L'appétit de la mort" (février 2010)

Cette note de lecture sera publiée dans la revue Pages insulaires (en avril 2010) dirigée par Jean-Michel Bongiraud (que l'auteur de cette note et l'éditeur de la revue soient ici remerciés de m'avoir laissé reproduire ce texte).
« On reste durablement bouleversé par un tel recueil, un tel poème, pourrait-on dire aussi, car la page d’une strophe ou deux peut être lue pour elle-même ou comme élément d’un ensemble. Stations multiples d’un seul chemin de croix ? Le livre est composé d’un poème unique, affrontant à plusieurs reprises le suicide sous sept formes : l’empoisonnement, la noyade, la défenestration, la pendaison, l’entaille d’une veine, le choc d’un véhicule contre un arbre, l’écrasement par un train. Chacune de ces formes correspond à un péché capital qualifié de divin dans une phrase elliptique, et cette absence de verbe laisse au lecteur le choix de l’interprétation, selon qu’il opte pour l’indicatif ou pour le conditionnel. Lisant
« Envie divine
que de refuser
qu’un autre touche les cieux
»,
celui qui comprend « c’est envie divine » développe l’hypothèse d’un Dieu jaloux, mais lire « ce serait envie divine » suppose qu’il ne l’est pas, qu’il ne peut l’être. Cette hésitation, ou cette ambigüité, entre blasphème, cri de révolte, et foi, semble levée dans les trois pages finales, extraordinairement denses, où le suicide est magnifié, ou du moins assumé, comme expression de la liberté humaine et de la malléable disponibilité de la matière, cette « chance de la glaise » qui, dans le récit biblique, nous a façonnés, et qui accueille les corps sans vie.
Refusant toute fascination morbide, le regard posé sur le corps suicidé, ou sur ses restes, remonte du juste après au juste avant, pour retrouver le geste, sympathiser avec lui, mais l’accompagner l’aurait peut-être évité, tenir la main l’aurait peut-être retenue. Reste le geste fraternel, mais posthume, du poème qui se place dans une situation extrême, celle d’opposer au désir d’en finir ce désir de commencer qu’est toute prise de parole, toute rupture du silence, toute proposition langagière, orale ou écrite, puisque le commencement est le verbe prenant chair. Ni verbeux, ni décharnés, les poèmes de Thomas Duranteau sont fermes et parfaitement définis : définitifs, cueillis à leur juste maturité, de même que ceux de Serge Wellens n’étaient accueillis sur leur page qu’après avoir été roulés, longuement roulés, polis dans l’oreille comme par une mer intérieure.
Faut-il parler de filiation ? De fraternité plutôt, chacun des deux poètes reconnaissant dans l’autre sa propre exigence. Ni chez Duranteau ni chez Wellens, le verbe ne naît du verbe. Il affronte, au contraire, ce qui risquait de l’anéantir. Serge Wellens, qui avait préfacé Lucilie bouchère, salue en quatrième de couverture ce second recueil qui va plus loin dans la même direction. Sur cette voie, le poète chemine en compagnie de huit créations originales de Lydie Arickx. Sans redondance, au même niveau d’exigence et de sympathie, poésie et art contemporain dialoguent ici pour la plus grande joie du lecteur. »

"L'appétit de la mort" (éditions Clapàs, 2009)

J’ai publié un deuxième recueil L’appétit de la mort toujours aux éditions Clapàs en octobre 2009. Celui-ci est accompagné de créations originales de Lydie Arickx, artiste contemporain reconnue.


Quelques retours d’auteurs :

« L’Appétit de la mort est une œuvre fascinante par la rigueur de l’écriture, l’économie verbale qui me fait penser au mot de Guillevic : « Ecrire un poème, c’est sculpter du silence ». Par le mystère qui prend ici ou là l’initiative du discours et qui fait froid dans le dos. Deux vers taillés dans le silex (j’ai l’embarras du choix…) comme ceux-là « Il ne restait plus personne / pour rentrer ce bois mort » en disent plus et le disent mieux qu’une lente et laborieuse méditation sur la souffrance et la solitude. Et que cet itinéraire déchirant s’achève dans la lumière, voilà de quoi s’émerveiller. » (Serge Wellens, la citation sert de préface)

  • « Le thème est certes tragique, morbide, mais il nous parle avec une certaine force de notre mort, avec une émotion maîtrisée et des pointes d’humour noir. » (Jean Joubert)
  • « Je vous redis tout l'intérêt que j'ai eu à lire vos poèmes écrits sur un sujet si difficile, douloureux surtout, celui du suicide, ce tragique « appétit de la mort ». J'ai trouvé très pertinente la scansion de ces poèmes par le rappel des '7 péchés capitaux' - inversés, pour finalement être évidés, renversés à nouveau, sublimés dans "l'amour divin". » (Sylvie Germain)
  • « J’apprécie la concision et la juste place du mot choisi. Curieusement, ton écriture m’a rappelé un ami peintre qui avançait dans son tableau à coup de petites touches calculées et précises. (…) J’aime ce fil sans rupture. Et les illustrations sont tout-à-fait adéquates. A vrai dire, elles « n’illustrent pas », elles épousent le texte, libres. » (Albert Rouet)
  • « Face à ce qui est décousu de sens, non pas comprendre mais nommer. Ce que vous nommez et la manière dont vous le nommez est une imparable attestation de poète et d’homme. » (Marie-Noëlle Agniau)
  • « C'est un très beau recueil à l'écriture forte et précise, et au sujet difficile... une sorte de diamant. Bref, le genre de choses qu'on aurait aimé écrire soi-même. » (Thierry Piet)
  • « Je dois vous dire que, si dur que soit le sujet traité, vous avez vraiment une très belle écriture et que vous êtes sur une bonne et belle voie. » (François Cassingena)


Quelques retours d’éditeurs :

  • « Je vous remercie de m’avoir adressé cet ensemble, dont j’ai aimé la teneur et la retenue formelle » (Yves Di Manno, directeur de la collection poésie chez Flammarion)
  • « Toutes mes excuses pour une réponse si tardive à votre envoi de manuscrit qui me plaît bien » (Louis Dubost, ex-directeur des édition l’idéee bleue)
  • « Il y a une puissance dans cette écriture et nous y sommes sensibles. » (Philippe Tancelin, directeur littéraire chez L’Harmattan)
  • « Votre terriblement beau recueil l'appétit de la mort ne me poussera pas au suicide. » (Christophe Liron, directeur des éditions Clapàs)

Poèmes dans la revue "Friches", n°101, avril 2009


Du bûcher ou de la soupe
(extraits)


Arrêté dans la bruyère
tu fais taire ta faim
par un cri

Parmi les brumes réconciliées
tu te tiens poings serrés
automate thaumaturge
déchu de ses fonctions
exilé dans le parc de la solitude

Dans l’œil d’un poisson-lune échoué
tu aurais pu pourtant cacher ta peur
et te cacher toi-même
s’ils t’avaient laissé la charge d’un instant
s’ils avaient eu conscience
de ton sacrifice


*


Dans ton grenier
tu pèses tes mots
tu quantifies la grandeur du vide

Mal assis sur un coffre
tu imagines le contour du soleil
qui t’envoie ses derniers rayons
par des fentes chétives dans le toit

Tu imagines les visages
de ces chants cris et rires
qui assoupissent tes angoisses

Tu tentes peu à peu
caché
de t’humaniser


*


Ce sont les mêmes restes sur la table
on a rajouté deux ou trois pots de yaourt
à moitié vides
pour rendre le tout plus homogène
plus fini

Chaque miette a sa place
qu’elle ne changerait pour rien au monde
caprice de croûte

Les fourmis ne viennent plus
elles sont rassasiées
on affirme en avoir vu mortes
de trop forte ingestion

Faudra-t-il encore en conclure une morale ?


*


Quelques miettes
la place d’un poème et l’orgueil d’un roi
le souvenir d’un pain qui redonnait la vie
et qui avait grandi
au son de nos efforts

Quelques miettes pas plus
le fond d’un verre de vin
et le versant courbé du soleil


*


Il y a des étoiles pour tous
de la nuit pour deux

Et la lune
comme un treizième couvert
inutilisé

La part du pauvre peut-être ?


*


La poussière
c’est la neige des pauvres
même joie de la sentir proche
de la prendre par poignée

Se rouler dedans
y dessiner l’espoir avec son doigt
s’y vautrer
comme dans l’ironie
d’une vie grise et épaisse
en mettant
du cœur à l’ouvrage


*


Il y a ce grenier pourtant
mais les souvenirs manquent
pour suppléer l’infiltration de la misère

Tout
parallèlement
courbe et bancal
décomposé par les herbes sauvages
et le vrai retrouvé de la parole

Malgré les fissures
les trous dans les plinthes
tout respirait encore l’enfermement
le sombre isolement
de l’exil

mardi 23 février 2010

Note de lecture de Jean Dubacq sur "Lucilie bouchère" (2001)

Des poèmes tirés de Lucilie bouchère ont été réédités dans la revue Les Hommes sans épaules où Jean Dubacq a fait une notice à ce premier recueil (n°10, premier trimestre 2001) :

« Pour sa Lucilie bouchère, Thomas Duranteau prend soin d'expliquer lui-même que cette Lucilie qui fait penser à une gentille fille de boucher dont on guette goulûment la croissance est une mouche dont les larves se nourrissent des plaies des mammifères sur lesquelles elle a pondu. Révéler ce secret après le dernier poème n'aurait pas été plus mal. Ambiguïté, corrélation, la parabole aurait été mieux confite dans ce secret d'un double sens qui fait que chacun des hôtes est l'hôte de son hôte. Il s'agit ici d'un insecte disputant sa nourriture aux bactéries. Abuser le sens pour accroître le sens est métier d'écrivain et Serge Wellens dans l'avant-propos (...) insiste justement sur les qualités de Thomas Duranteau qui fait preuve d'originalité et de métier, métier à hauts risques, celui d'écrire sous la surveillance de trois geôliers, l'entomologie, la poésie, son poète, la première étant la plus abusée. Au fait, qui sont-ils vraiment ces hôtes, et qui est vraiment le parasite ? Il était là / à faire des bulles de vos discours / bégayant à vos sons de cloche / toute pluie ouverte / sur les toits en ardoise. Il est toujours là "qui vous suit et vous hante". L'artiste n'attend-il pas à sa façon les papillons à naître des larves qu'il nourrit de ses moindres griffures d'âme ? »

"Lucilie bouchère" (éditions Clapàs, 2000)


J’ai publié un recueil de poésie Lucilie bouchère aux Editions Clapàs en 2000 (réédité en 2009 avec une nouvelle couverture) qui m’a permis d’avoir des regards positifs sur mon écriture. Voici un extrait de la préface de Serge Wellens :

« Longtemps après en avoir achevé la lecture, cette suite de poèmes qui s'enchaînent rigoureusement pour n'en faire qu'un, continue de nourrir en moi le sentiment d'avoir transgressé les règles d'un hui-clos. Sans doute parce que chacun peut y reconnaître la place humiliante qui lui revient dans la relation du bourreau et de la victime. Ici, le persécuteur est d'autant plus redoutable qu'il est minuscule, insidieux, inattendu. Une simple mouche d'un vert métallique (dit le dictionnaire) qui, pour un peu, passerait inaperçue. Or l'insecte installe ses larves dans les plaies de sa proie et la leur donne à dévorer.
En vérité, il n'y a rien là d'insolite. C'est ainsi que cela se passe dans la nature où chaque espèce, usant impitoyablement des moyens de son bord,se nourrit d'une autre. Mais que ce fait divers des plus courants alerte un poète au talent singulier, terriblement doué pour l'exploration de l'imaginaire et la levée d'écrou de vérités secrètes, et voilà que nous assistons à l'assujettissement de quelqu'un qui nous ressemble comme un frère. D'ailleurs, chaque poème s'adresse précisément à nous : "A fleur de songe / se tient votre hôte" il n'est pas indifférent de noter que cette incursion du côté de la fatalité commence par un constat indiscutable et s'achève, treize poèmes plus loin, sur une question dont la réponse est loin d'être évidente : "Mais qui est-il cet hôte / qui vous suit et vous hante ?"
Entre la certitude et le questionnement règne une constante et multiforme ambiguïté. Déjà la double et contradictoire signification du mot "hôte" nous inquiète : qui habite ? Qui est habité ?... voilà comment indissociablement liée à l'homme, à son corps, à son univers, la monstruosité animale, bouchère de son état, brouille les pistes et se rend maîtresse d'un monde où "tout est simulacre". (...) » (Serge Wellens)


Je joins ici quelques extraits de lettres de poètes et critiques sur ce premier recueil :




  • « Ce recueil me laisse admiratif. L’économie des moyens, avec un sens très sûr, très précis du vers, de la strophe, du poème, et leur efficacité, leur relief, me donnent une impression de maturité (la formulation qui se détache comme un fruit mûr de la méditation). » (François Huglo)


  • « Vous avez le don de l’image insolite et celui, non moins inattendu, du « sujet » insolent. L’ambiguité entre le tragique et l’humour. » (André Marrisel)


  • « La lucidité de votre regard, sa cruelle ironie, c’est vous et personne d’autre. De « Lucilie bouchère », on ressort inquiet, impressionné… possédé ! Il n’y a rien à ajouter, rien à retrancher. Merci pour l’ « inconfort » que vous m’avez procuré. » (Christophe Jubien)


  • [Vos poèmes] « sont d’une belle écriture, choisie et maintenue à ce niveau si particulier qui résulte du choix (et du risque) du poète. » (Jean Dubacq)


  • « Et quelle écriture prenante, originale. On joue avec les dieux, avec les mouches qui nous habitent. Ce petit livre a beaucoup de force. » (Hélène Cadou)